Qu’est-ce qu’un objet sacré ? En quoi le tambour médecine est-il sacré ?
Le sacré donne du sens à l’expérience. Il inclut tout ce qui nous rappelle qu’au-delà du cadre de l’existence, et à son origine, existe un grand Mystère, que nous pouvons reconnaître et honorer afin de transcender notre existence. Au-delà de tout concept religieux, le « Tout Autre » ou L’Etre suprême, comme l’appelle K. Graf Durkheim, représente la réalité originelle et indivisible, que l’on approche par l’expérience transcendante et qui se laisse deviner mais en aucun cas ne se comprend ni ne s’explique.
Beaucoup s’y sont essayé, qui l’ont toujours réduit à des concepts infiniment réducteurs.
Chacun de nous possède la capacité de témoigner de cette vérité supra-existentielle dans sa vie et de laisser émerger son être essentiel…
Devenir vraiment Soi…
Le mental, expression du moi existentiel, n’est pas limité à la construction et à la défense de l’ego. Il a la capacité de voir au-delà de chaque expérience, de rechercher le sens, de viser l’éveil individuel. Il est capable de décider consciemment de repousser ses propres limites. Mais puisqu’il a tendance à ne se fier qu’à ses 5 sens ordinaires et à comprendre le monde par leur prisme, il a besoin de supports dans ce cadre pour lui rappeler ce qui est au-delà de sa réalité ordinaire et se figurer cette autre réalité, plus vaste, non conceptuelle.
C’est là que le support symbolique se révèle indispensable. Il matérialise le non-matériel. Il nous rappelle, à chaque fois que notre regard se pose sur lui, le potentiel transcendant de l’existence. Il nous rappelle qu’à chaque instant nous sommes en chemin, et que nous sommes capables de deviner, au-delà de l’expérience, la présence du grand Mystère, et d’en témoigner par notre façon d’arpenter ce chemin.
Alors, chaque geste, chaque parole, chaque pensée devient une prière. La mise au monde d’un tambour est une prière, un acte sacré, chargé de sens.
C’est ce que nous proposons lors de nos stages immersifs. Bien plus qu’une réalisation technique, il s’agit d’inviter en conscience toutes les composantes du tambour à nous offrir leur « médecine » afin de les incarner sur notre chemin.
Grâce au symbolisme de la trinité minéral/végétal/animal, le tambour devient l’outil qui nous rappelle de témoigner de notre divinité dans la réalité ordinaire.
La pierre au centre du tambour nous rappelle à notre propre centre…
…A la nature inconsciente et indivisible de la Vie, à l’unité originelle.
« Le Tout, dont tout ce qui prend forme s’origine et dans lequel tout ce qui a pris forme aboutit » (Durkheim-Le Centre de l’Être). Tel le magma bouillonnant au centre de la Terre-mère, notre centre est la source de notre énergie, à tous les niveaux de notre être. C’est la présence minérale, sécurisante, immobile, silencieuse, intemporelle. C’est le point de départ et la ligne d’arrivée. Le silence, l’origine.
Nous sommes reliés à cette vérité par le Hara. Et lorsqu’on porte notre tambour, la pierre au creux de notre paume nous rappelle cette reliance.
C’est ça, le véritable ancrage.
Depuis de nombreuses années, les tambours médecine de Chacun Son Rythme possèdent une pierre au centre de la poignée. C’est vraiment notre signature car le travail sur le centre est, de notre point de vue, la base de tout travail sur soi et le socle de tout notre enseignement.
Le cadre en bois massif représente la composante végétale dans le tambour et nous invite à la verticalité.
L’arbre nous enseigne la dynamique verticale, à laquelle nous nous connectons par la respiration et la posture.
Il nous parle d’un travail intérieur, une posture à acquérir et à ajuster sans cesse, qui nous permet de traverser la vie et de témoigner, à chaque étape, de notre être profond. Il plante ses racines profondément vers le centre de la Terre et tend vers le Ciel. Il sait rester souple et vertical pour laisser passer la tempête. Nous sommes les enfants de la Terre et du Ciel. Et notre posture dans la vie consiste à de nombreux aller-retours depuis la pointe de nos racines jusqu’aux extrémités de nos plus hautes branches, afin de témoigner au mieux dans notre Existence, de notre vérité profonde, et de vivre dans la totalité de notre être plutôt qu’enfermé dans les seules hauteurs de notre mental.
L’être humain occidental est enfermé dans les sphères hautes de son corps (mental, volonté…) et oublie souvent de revenir dans son ventre, son ressenti, son corps, ses racines. Pourtant, quelque soit l’étendue de ses branches, un arbre sans racines solides est fragile et finit toujours par s’écrouler. Au départ, telle la graine enfouie sous la terre, notre être individuel s’extrait, dans l’obscurité, de la grande Unité originelle (Hara, ventre) et se construit verticalement pour forger dans son esprit (ego, tête) une compréhension du monde qui l’entoure. Il tend inexorablement vers la lumière de l’esprit individuel.
Mais lorsque l’égo est façonné et qu’il a fixé une représentation du monde qui l’entoure, la Vie l’invite à redescendre en lui-même pour se reconnecter à ses racines inconscientes (ou plutôt supra-conscientes), ses ressentis corporels, ses pulsions, se replonger dans la Nature originelle et indivisible, se reconnecter avec la Terre (Hara). Cet ancrage puissant permet aux feuilles de l’arbre de se développer encore et de recevoir la lumière du Soleil (supra-mental) et du Ciel (Grand Esprit, Être suprême).. Les limites du mental sont repoussées. Il découvre qu’il n’est pas seulement un être pensant. Il perçoit le transcendant, ce qui est au-delà de ce qu’il a fixé dans sa construction et sa compréhension limitée du monde et ses représentations.
Comme lorsqu’il respire, l’être humain vit alternativement des petites morts et renaissances : Il alterne entre inspiration, tension vers le haut, vers l’Esprit et expiration, relâchement, abandon au cœur de la Terre-mère, dans le magma originel de la création. C’est l’enseignement de l’Arbre.
Quant à lui, l’animal qui offre sa peau pour le tambour nous rappelle au mouvement, à la dynamique horizontale.
Contrairement à l’arbre, les animaux se déplacent dans toutes les directions cardinales. Et ces directions, dans la Roue Médecine de nombreuses sagesses traditionnelles, symbolisent la nature cyclique de la Vie.
Chaque être vivant traverse, dans son expérience individuelle, les différentes étapes de la Vie, symbolisées par les directions de la Roue. Du début à la fin de sa vie, tout ce qui vit naît, croît, décroit, puis meurt. L’Est, le Sud, l’Ouest et le Nord sont gardés par des Esprits animaux et nous offrent des enseignements, « des médecines », autant d’occasions de témoigner de notre Être essentiel, à condition d’être en connexion avec notre centre et notre verticalité.
Dans nos tambours, la poignée est en forme de croix, avec en son centre la pierre. Cette croix a quatre branches qui nous rappellent les 4 directions :
L’est, c’est l’aube, là où tout commence. Par le symbolisme de la naissance, cette direction nous propose de porter un regard sur la façon dont nous incarnons notre spiritualité dans la matière. Les porteur/euses de la médecine de l’Est ont conscience que chaque pensée, parole action, portera ses fruits et vivra un cycle complet en portant ses propres conséquences.
Le Sud est la période du rayonnement, de la transparence, du partage. C’est l’occasion de faire le ménage dans ses relations, avec soi avant tout, et bien entendu avec les autres. Chacun/e est à sa juste place et en pleine possession de ses moyens. Savons-nous vive cette étape sans s’y identifier ou s’y attacher, sans orgueil ni mésestime ? Assumer pleinement notre rayonnement, notre autorité ?
Le gardien de l‘Ouest nous apprend, le soir (où l’hiver) venu, à retourner dans notre grotte, ralentir notre rythme, marcher vers l’obscurité. La direction de l’Ouest nous propose l’acceptation du déclin comme un enseignement de grande qualité et une voie royale vers la sagesse. C’est la direction des enseignant/es, ces femmes et hommes d’expérience qui ont su traverser leur période de rayonnement sans s’y attacher, qui sont capables de faire face à la maladie, la souffrance et l’approche de la mort. Leur force n’est plus dans leur physique, mais dans leur esprit.
Enfin, le Nord invite à la gratitude. C’est au cœur de la nuit, de l’hiver, au royaume de la non-action, lorsque tout est à l’arrêt, que nous pouvons digérer les étapes traversées jusque-là. C’est le moment de remercier pour tout ce que le grand Mystère nous a permis de vivre. Avons-nous pris conscience que tout ce qui s’est joué ? Avons-nous été pleinement présent/e, de tout notre Être, à l’expérience ?
Avons-nous incarné notre pleine Vérité ?
Avons-nous rayonné, accueilli, partagé ?
Avons-nous accueilli le déclin comme un hôte de grande valeur lorsqu’il a frappé à notre porte ?
Sommes-nous en mesure de voir tout cela et de faire preuve de gratitude pour ces dons ?
Sommes-nous prêt/e à vivre une nouvelle naissance, à tout recommencer, encore et encore ?
Car la sagesse n’est pas un acquis, un état statique mais une dynamique, une aptitude à témoigner de notre Être essentiel tout au long des cycles de la Vie.
Pour conclure
Avant même de jouer notre tambour, et de ressentir la médecine du rythme et de la vibration, c’est la conscience que l’on porte sur les composantes minérales, végétales et animales qui le composent qui en fait un objet sacré. Il n’y a pas d’objet sacré sans un regard qui se pose dessus et un esprit qui devine ce qui se cache derrière le visible pour lui permet d’habiter la forme. Mettre au monde un tambour, c’est reconnaître, honorer et rendre grâce à cette magie. C’est lui donner Vie, l’animer, lui offrir une âme.
C’est en tout cas notre vision, ce que nous proposons à chacun/e de vivre lors de nos stages de mise au monde des tambours médecine.
Lynne et Julien FIHEY-Chacun Son Rythme
Romain
Bonjour à tous les deux.
Un article touchant qui me donne envie de déposer dans le chaudron du mystère un ressenti éprouvé puis regardé par le Temps.
Lorsqu’il y a quelques années j’ai vécu avec vous l’expérience de la naissance de mon Âmi Tambour, j’y vois aujourd’hui le moyen de vivre l’expérience de la Création comme force de renouvellement et d’Harmonie de l’ensemble des principes évoqués dans l’article. C’est comme si mes mains, prolongement dans le corps physique du Cœur, soleil central, avaient cherché à matérialiser l’incarnation de la co-création avec le vivant sous ses formes maîtresses (minéral/végétal/animal/humain même peut-être). Et le tambour dans sa forme ronde universelle avait ancrée l’idée que Je Suis, forme magique du vivant dans un éternel cycle d’évolution dont l’être humain est le dernier maillon (jusqu’au prochain). Une expérience qui a poussé les limites mentales de l’espace de la Relation en y incluant la profondeur du Cœur et l’interdépendance co-créative qui permet l’évolution du Vivant sous toutes ses formes.
Aujourd’hui je vois mon tambour comme une conscience vivante, elle-même constituée de consciences vivantes, projection d’espaces en moi et qui engage un lien intime de réciprocité. Et son chant, son mouvement ondulatoire est un éternel recommencement de la manifestation qui se Créé dans un éternel présent.
Chaleureusement et avec le Cœur,
Romain
Bazin
Merci Julien et Lyne pour cet article qui précise ce qu’apportent tous les éléments du tambour. Beaucoup de gratitude pour la fabrication du tambour qui m’accompagne et me fait vivre des expériences diverses. Et gratitude pour la compréhension au travers de ce message de compréhension, par le regard porté sur le sacré. Très amicalement. Anne
Bulckaert SSylvie
Merci merci merci